Ce mois-ci Habitants de nos eaux sera un peu spécial comme c'est le
cas pour plusieurs articles de la revue du temps des Fêtes. N'ayant pas de
photos à l'appui pour mes articles, j'ai donc décidé de vous compter une
anecdote survenue lors d'une plongée.
Un beau matin de septembre je décide de faire de la photo sous-marine au
quai de Grande Grave, dans le parc Forillon près de Gaspé. Le quai est un des
sites préférés des plongeurs à cause de sa proximité du rivage et de la
diversité de sa faune et de sa flore. Le film de ma caméra épuisé, je sors
de l'eau recharge la caméra change de bouteille et me voilà repartie pour le
bout du quai à 10 mètres de profondeur. Ne trouvant rien de particulier à
photographier, je décide donc de m'attarder encore une fois sur les tanches
tautogues aussi appelées achigan de mer à cause de leur ressemblance avec leur
cousin d'eau douce (voir LA PLONGÉE, Vol.14, No.5). Autour du quai, ce
poisson a vite associé "plongeur et lunch facile". Il suffit tout
simplement de couper un oursin en deux et les voilà qui surgissent de partout.
Je dépose donc le repas convoité sur une roche et essaie de prendre une photo
rapprochée de ce magnifique poisson aux reflets bleutés. En plus d'être
voraces, ils sont curieux. Il est donc fréquent de les voir se mirer dans le
verre du masque. C'est ce que ce petit spécimen de 12 cm a décidé de faire
après avoir dégusté son oursin.
Trouvant son comportement comique, je l'ai laissé faire. Puis après avoir
partiellement disparu de mon champs de vision, mais toujours près de mon
masque, je le vois se cambrer et foncer... sur ma lèvre! Eh oui! Il m'a
embrassé si fort qu'il est parti avec le morceau ! L'effet de surprise
estompé, je réalise que la morsure est sérieuse; un goût de sang dans la
bouche et un nuage noir devant mon masque me forcent à faire le point et à
sortir de l'eau.
Vous auriez dû voir l'expression du plongeur qui s'apprêtait à descendre
dans l'eau lorsque je suis apparue sur le rivage, la lèvre en sang. Il était
presque prêt à changer d'idée lorsque je lui ai dit que je venais d'être
attaquée par un poisson... La blessure a pris plusieurs minutes avant
d'arrêter de saigner et cela m'a empêché de rire de mon aventure pendant
quelques jours...
L'histoire a vite fait le tour du patelin, exagérée toujours un petit peu
à chaque fois, à tel point que je n'aurais pas voulu être la victime du 5e
racontar, car j'y aurais certainement été défigurée pour le restant de mes
jours.
Alors, amis plongeurs, la morale de cette aventure est que lorsque vous vous
faites des amis parmi la faune aquatique et que vous leur offrez un bon repas,
méfiez-vous des marques d'affection qu'ils vous démontrent en guise de
remerciements: elles sont douloureuses.