Au fil de vingt ans d'incursions sous-marines, il m'est arrivé toutes sortes
de petites aventures mettant en vedette les habitants de nos eaux. Loufoques,
parfois bizarres, jamais tragiques, ces incidents inattendus m'ont plus d'une
fois obligée à vider mon masque à cause du fou rire qu'ils avaient
occasionné.
J'ai évidemment interprété à ma façon le comportement de ces animaux
pour la grande joie de l'auditoire. Voici quelques anecdotes: à vous de juger.
Un taxi S.V.P.
Je casse un oursin en deux. Ce petit crabe tourteau grimpe sur ma main pour y
déguster en tout confort ce délice inespéré. Un congénère de taille
respectable se présente à son tour à la même assiette. Il déloge
évidemment le petit qui prend la fuite en s'élançant à l'escalade de mon
bras. jusque là rien de bien anormal.
]e continue ma plongée et m'arrête 10 mètres plus loin. je tiens toujours
l'oursin que je présente à un autre crabe. Et voilà mon petit-père qui
réapparaît en rampant doucement le long de mon bras vers la main qui tient
encore son dû. Il était resté à mon bord pour un court moment de la plongée
se servant de mon épaule à mon insu comme moyen de transport sur une bonne
distance.
Toujours plus haut...!
J'ai observé par une belle journée de bonne visibilité, l'envolée d'un
crabe vers la surface. Il avait la "tête" penchée vers la fond, le
"fond de train" tourné vers la surface. Il agitait ses pattes
natatoires de façon tellement efficace qu'il s'est rapidement retrouvé
virevoltant à plus de 4 mètres au-dessus du fond. Il aurait certainement
continué son envol s'il n'avait pris peur en me voyant. Cette observation
venait de solutionner l'énigme que représentait la présence de crabes dans
les filets de maquereau qui flottent en surface, toujours à plusieurs mètres
du fond.
David contre Goliath
Par un bel après-midi d'automne, je décide de plonger sur un site peu
profond afin de photographier des anémones à point blancs, une espèce plus
facile à observer à cette époque de l'année. Un spécimen repéré, je
m'installe pour réaliser un plan rapproché de mon sujet. Tout à coup
apparaît à mes côtés un crapaud de mer (chaboisseau à épines courtes) de
taille respectable.
Première approche de sa part: se précipiter, bouche béante, sur ma main
qui prenait appui au fond. Sur le coup, je sursaute et retire bien vite la main.
Mais le crapaud, tenace, tente toujours de prendre bouchée de ce mets
d'apparence appétissante qui se dérobe sans cesse. L'excitation à son
paroxysme, il se précipite sur tout ce qui bouge: caméra, masque, boyau de
veste, flash, mains et palmes... ouf !.
Je retraite en vitesse, "'adversaire" à mes trousses. Finalement
voyant qu'il n'y avait rien à faire pour m'en débarrasser, et voulant à tout
prix retourner vers mon spécimen à photographier, je lui offre un oursin bien
frais. Croyant m'en être enfin tiré, je le contourne et retourne à mon
anémone.
A nouveau concentrée sur mon travail de photo, je ne remarque pas M. Le
Crapaud qui m'attaque à nouveau la main. Incrédule, je me retourne vivement
pour apercevoir encore là-bas celui que j'avais trompé à l'aide d'un oursin.
Ils sont deux !!! C'en est trop...
J'ai finalement abandonné le secteur pour aller voir ailleurs si... enfin il
existait un petit coin de fond mer où je pourrais terminer en paix mon rouleau
de film.
SAM ! PIQUE !
Tout le monde connaît la technique qui consiste à se gratter le dos contre
un arbre ou un cadre de porte... Les crabes tourteaux fond de même sur les
pierres. Voilà donc M. Tourteau bien adossé à son caillou, se maintenant en
position verticale sur ses deux paires de pattes arrières, qui se gratte
énergiquement, se balançant de gauche à droite, étirant ses deux pinces vers
la surface. Il aurait été intéressant de voir quel parasite l'importunait de
la sorte.
Pour l'amour d'une palme...
Une limande à queue jaune (sorte de plie) a semblé trouver l'élu de son
coeur en apercevant les magnifiques palmes jaunes de ma copine de plongée. Elle
la suivait partout en s'approchant toujours de ses palmes. Ils se marièrent et
eurent de nombreux ... (fin d'histoire connue).
Eh! Le jouet se sauve !
Sorte de crapaud de mer, l'Hémitriptère atlantique est un poisson
habituellement de couleur foncée, brune ou rouge brique. Mais certains
spécimens rares sont dotés d'une robe d'un jaune serin tellement déplacé que
plus d'un les confondraient avec un jouet de bain pour enfant. Imaginez le
plongeur novice qui pensait avoir fait un telle trouvaille lorsque le
"jouet" lui a filé d'entre les doigts, non sans un brusque coup de
gueule défensif bien menaçant en sa direction. L'aiguille de son manomètre a
"tapé dans le rouge"...
Attention ! Passage étroit.
Dans le jardin sous-marin des eaux froides, on retrouve une algue percée
d'une multitude de trous nommée Agare criblée. File ressemble comme texture à
un laminaire, mais en beaucoup plus courte. Dans ce même jardin virevolte un
petit poisson très effilé, le lançon. Lors de fuites face à une menace
(prédateur ou autre), le petit poisson décide parfois de déjouer l'attaquant
en passant à travers un des trous de l'agare... Mais, parfois il y reste
coincé ! Bref si vous apercevez un poisson argenté, mais "pas
brillant" pour deux sous, qui semble avoir sous-estimé son gabarit pour se
coincer dans une agare criblée, a) prenez une photo, pour confondre les
sceptiques, et b) libérez-le avant qu'un crabe ne le rejoigne.
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