Ce poisson qui nous a procuré les meilleurs moments de notre enfance lors de
nos débuts en tant que pécheurs, nous réjouira de nouveau en tant que
plongeurs, débutants ou non. Qui au cours d'une plongée n'a pas remarqué ces
poissons multicolores se tenant en bande et regardant d'un oeil inquisiteur
l'étrange intrus que vous êtes. De nature curieuse, tout ce qui bouge ou qui
est insolite le fascine. On le retrouve partout, mais il préfère plus
spécialement les couloirs dans les herbiers, ou mieux encore un amoncellement
de troncs d'arbres ou une structure quelconque comme les piliers d'un quai. Tous
les plongeurs connaissent bien le fameux 'train épave" du lac Orford (voir
le Guide des sites du Québec sous-marin, région 5). Cette épave est en
fait la charpente de bois d'un wagon coulé dans une vingtaine de pieds. Lors
d'une plongée, mon copain et moi sommes restés un long moment à cet endroit
à observer une trentaine de crapets soleil, folâtrant à travers les planches
disjointes du wagon. C'était fascinant! Les crapets s'immobilisaient pour nous
examiner à loisir, puis repartaient rejoindre leurs congénères et semblaient
leur dire: "Venez voir il y a quelque chose de nouveau par ici"'.
C'est presque toujours le même scénario qui se rejoue partout où l'on
rencontre ces palettes d'artistes. En effet ce poisson, si modeste qu'il soit,
possède une telle gamme de colorie que même la populaire chanteuse Diane
Dufresne pourrait en être jalouse. Claude Mélançon dans son livre "Les
poissons de nos eaux" nous le décrit comme suit: "Les couleurs
de sa livrée ordinaire sont empruntées au bleu de notre ciel d'hiver et au
jaune des flaques de lumière qui traînent l'été dans nos sous-bois. En
toilette nuptiale il éblouit tout simplement. Des rubis parent sa gorge, des
rangs de saphir s'enchâssent dans l'or neuf qui cuirasse ses flancs. Il rutile,
il harde au point de se demander où cet Habitant du Nord a bien pu dérober
tant de soleil pour justifier son nom. Et que dire du nom indien Cri:
Ougoude-Ouache. Allez donc savoir ce que cela signifie."
Le crapet-soleil est un proche parent de l'Achigan, ce dernier peut même
être considéré comme un gros crapet, et tout comme l'achigan, il possède les
mêmes rites durant la saison des amours. La ponte a lieu au printemps en juin.
mais j'ai pu constater à certains endroits que des nids étaient encore gardés
au mois d'août. C'est au mâle que revient la charge de préparer le nid
nuptial. Pour ce faire, il nettoie avec ses nageoires et sa bouche. un creux du
sol d'environ 8 cm de profondeur et 45 cm de large. Souvent on retrouve au
centre du nid des racines d'herbage qui sont laissées délibérément pour
permettre aux oeufs que pondront 2 ou 3 femelles d'adhérer plus aisément.
Comme son cousin l'achigan, c'est le mâle qui se charge d'être le "Baby
sitter". Il évente les oeufs. ramène les égarés dans sa bouche et
éloigne les intrus même les plongeurs. Lorsque les petits quittent le nid
après 11 jours, le mâle refait un nettoyage en règle et va courtiser d'autres
femelles pour une deuxième ponte. Il faut croire qu'il adore être père de
famille!! Un fait très curieux à remarquer, c'est que selon certains auteurs,
il existerait un cas de mutualisme entre le Brochet Maillé et le Crapet Soleil.
Selon eux, le Brochet Maillé se tiendrait sur le nid du Crapet Soleil et
mangerait les Chattes de l'Est (sorte de petits poissons dorés) qui viendraient
tenter de dérober les oeufs du crapet en l'absence de ce dernier.
Ce serait peut-être une des raisons pour laquelle les Crapets Soleil sont si
nombreux. À l'âge de deux ans, ce poisson mesure à peine 8 cm. et à sa
pleine grosseur. il n'atteindra pas plus de 30 cm dans les cas rares et son
poids n'excédera pas 450 gr. Dans nos lacs, la longueur moyenne est de 20 cm.
mais de beaux spécimens peuvent être rencontrés dans le Richelieu et le
St-Laurent.
Allez vous promener dans les herbiers de nos lacs et rivières et
observez-les attentivement. Au printemps c'est la parade nuptiale, le mâle et
la femelle se frôlent, se ''bécotent'' et bien sûr Monsieur déploiera toutes
ses énergies à séduire. Plus tard c'est la surveillance acharnée des nids,
puis au cours de l'été, les petits jouent dans les eaux de la surface, tandis
que les adultes, leurs devoirs familiaux accomplis se promènent nonchalamment
dans les nombreux couloirs formés parmi les plantes aquatiques. Après tout ce
déploiement d'activité, comment ne pas admirer et estimer ce petit poisson qui
semble cependant n'être qu'une piètre capture pour les pêcheurs.