Qu'il
soit néophyte ou expérimenté, je dirais qu'un plongeur ne reste jamais
indifférent
lorsqu'il rencontre ce roi des crustacés à l'occasion d'une
excursion sous-marine.
Autant le homard fait le délice des gourmets, autant fait-il la joie des
plongeurs. Voilà neuf ans que je demeure en Gaspésie et autant d'années que
je pêche le homard commercialement, sans que je ne m'arrête pour l'examiner.
Le homard est l'espèce de crustacé la plus recherchée et fait partie des
invertébrés. C'est un décapode, c'est-à-dire qu'il possède dix pattes, un
ordre qui englobe les petites et les grosses crevettes, les crabes et les
écrevisses. Le homard possède un squelette à l'extérieur de son corps
(exosquelette) communément appelé carapace. Cette armure a cependant une
faiblesse. Elle n'est pas extensible, ce qui implique que le porteur doit s'en
débarrasser au fur et à mesure de sa croissance. Son corps devient de plus en
plus comprimé et un jour, il doit se débarrasser de ce corset. Une carapace
molle commence à se former sous la vieille et les parois de l'estomac absorbent
les sels de calcium de cette dernière qui se sont dissous. Au moment de sa
libération, le homard s'arque et son corps, plié à la jonction de sa carapace
et de l'abdomen, prend la forme d'un V. La vieille membrane flexible s'étire,
puis se fend. L'animal gisant alors sur le côté, sort. Son corps, ayant
éliminé le maximum d'eau pour se faire petit et lui permettre de passer ces
gros poings dans l'articulation du poignet, reprend petit à petit sa forme
initiale grâce à l'eau qu'il absorbe. A ce stade, le homard est extrêmement
vulnérable, car sa carapace est molle. Il commence à se nourrir immédiatement
après la mue, la carapace de ses pinces durcissant presque instantanément. Le
calcium emmagasiné au niveau de ses parois stomacales est réutilisé et le
homard mange même sa vieille armure pour récupérer le plus rapidement
possible le calcium servant à rendre sa carapace rigide. S'il s'agit d'une
femelle, elle s'accouplera peu de temps après la mue ou durant les quelques
jours suivants. Le mâle la retournera sur le dos et déposera son sperme dans
le réceptacle séminal situé entre les deux dernières pattes locomotrices de
la femelle. Le sperme sera alors emmagasiné jusqu'à ce que les oeufs soient
formés. Lors de la ponte ces derniers seront fécondés par la libération du
sperme. Les très grosses femelles peuvent conserver suffisamment de sperme
provenant d'un seul accouplement pour féconder deux à trois générations
d'oeufs. Elles peuvent pondre plusieurs fois sans que n'intervienne la mue
consacrant ainsi toute son énergie et tout son temps à son but principal, la
reproduction.
À peine 1% des oeufs atteindront le fond après avoir flotté à la surface
durant un certain temps. Et ce n'est qu'à ce moment que leur chance de survie
augmente, du moins jusqu'à ce qu'ils atteignent la grosseur commerciale. Les
pêcheurs ne peuvent en effet garder un homard dont la longueur est inférieure
à celle déterminée par Pêche et Océans Canada ni garder une femelle
dont les oeufs sont encore agglutinés sous sa queue.
Pour favoriser une rencontre
Le plongeur rencontrera un jour ou l'autre cette vedette. Ses chances sont
accrues s'il est le moindrement fouineur, car le homard ne s'aventure pas
souvent hors de son trou le jour. Par contre, de nuit ou par une journée
sombre, il pourra l'observer tout à loisir. Constamment en quête de
nourriture, il vagabonde parmi les algues ou sur un fond de sable. Sa façon de
déambuler est majestueuse. Les deux pinces dans le prolongement de son corps,
il se faufile entre les algues. S'il marche sur un fond plat dépourvu
d'obstacles, il porte ses pinces hautes en donnant l'impression de bomber le
torse à la façon d'un fier-à-bras. Si le plongeur s'approche d'un peu trop
près, il fait face toutes pinces dehors. Il préfère cependant prendre la
fuite si vous insistez un peu trop. S'il a regagné son trou, de grâce ne
cherchez pas à l'en extirper en le tirant par les pinces. Plutôt que de
céder, il s'auto mutilera vous laissant tout penaud avec deux pinces
dépourvues de homard dans les mains.
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