Connu sous le nom vulgaire "d'anguille de roche", cet habitant des
eaux salées s'apparente à sa cousine des eaux douces par son corps allongé,
sa forme reptilienne et ses longues nageoires. Il parait que la loquette peut
mesurer jusqu'à un mètre et peser 5,5 kg. Personnellement, la plus grosse que
j'ai rencontrée mesurait 0,6 m, ce qui est quand même respectable. Ce qui a le
plus attiré mon attention chez cette espèce, c'est l'épaisseur des lèvres.
La bouche semble disproportionnée par rapport à la grosseur totale de la
tête. L'air un peu boudeur à cause du rictus de la bouche tourné vers le bas
est aussi remarquable. Ceci lui donne malgré tout un aspect comique.
Lors d'une inoubliable plongée autour de l'Île Bonaventure (en Gaspésie,
Québec), je me suis trouvée nez à nez, c'est le moins qu'on puisse dire, avec
une loquette. En effet, j'ai la bonne (ou mauvaise) habitude de fouiner partout
lors de mes randonnées sous-marines et je me suis mise à regarder de plus
près dans une anfractuosité d'un rocher, et "voilà t'y pas" qu'une
loquette de belle taille m'y observait, du fond de son antre. Je me suis alors
reculée pour lui permettre de sortir. Elle s'est alors approchée à quelques
centimètres de mon masque afin de mieux contempler l'intrus qui se présentait
à sa porte. J'avance, elle recule ! Je recule, elle avance ! tout en ne gardant
qu'une faible distance entre mon masque et sa tête. Le jeu a duré une bonne
minute. Finalement, le fou rire m'a pris et j'ai dû reculer pour vider mon
masque.
Ce face-à-face m'a permis de vous donner une description assez précise de
ce poisson. Derrière ces épaisses lèvres, se cachent deux séries de grosses
dents coniques qui lui permettent de broyer sans difficulté mollusques,
crustacés et échinodermes. Elle se nourrit également de poissons et ira même
jusqu'à pénétrer dans les cages de homards, pour dévorer "la
boëtte" mise à la disposition de ces crustacés. C'est pourquoi les
pêcheurs ne l'apprécient guère sur leur territoire
Son corps allongé plus massif que l'anguille (anguille rostrata) est
de couleur foncée sur le dessus et jaunâtre en dessous. les nageoires dorsale,
anale et caudale ne font qu'une. Partant du derrière de la tête, longeant le
dos, elles forment la queue et ne se terminent que sur la partie ventrale
presqu'en son milieu. De plus, sous une apparence un peu pataude, la loquette
possède une force assez impressionnante et se tortillera "a qui mieux
mieux" si vous essayez de la capturer. Selon certaines références, ce
zoarcidé pourrait atteindre facilement l'âge de 20 ans. Il est vivipare,
c'est-à-dire qu'après leur naissance, les larves restent dans le ventre de la
mère pour une période d'incubation de 3 à 4 mois. Puis en voyant le jour, les
jeunes ressemblent à leurs parents à tel point qu'ils sont prêts à se
reproduire dès cet instant. Si cette reproduction se poursuit pendant 20 ans,
la race des loquettes n'est pas près de s'éteindre.
Cette espèce de poisson se rencontre aussi bien à 2 m qu'à 20 m de
profondeur. Les loquettes affectionnent les anfractuosités des rochers ou le
couvert des algues. Lorsque ces abris font défaut, elles se tiennent enroulées
sur elles-mêmes à la façon d'un serpent Elles passent souvent inaperçues à
cause de ce mimétisme. L'anguille de roche ou loquette peut être confondue
avec le Loup Atlantique (Anayhichas lupus) qui a sensiblement la même
forme mais qui fréquente des eaux plus profondes sur les bancs de morue.
Cependant ce dernier est rarement rencontré par les plongeurs.
Enfin si le coeur ou plutôt l'estomac vous en dit, il paraît qu'elle est
comestible, personnellement je préfère l'attirer avec un appât et l'observer
dans son milieu naturel.