Wow! Un poisson presque inconnu. Les informations manquantes à son sujet
ajoutent une petite touche mystérieuse au nom déjà très suggestif de ce
poisson. L'unique affinité qu'il possède avec l'alligator, sont les plaques
osseuses qui recouvrent son corps. Claude Provencher le compare à un
fume-cigarette à cause de sa forme allongée; pour moi il évoquerait plutôt
un bébé esturgeon, forme de la queue en moins. Quoiqu'il en soit, le
poisson-alligator n'est jusqu'à présent que très peu connu, même si la
première mention de ce spécimen date de 1786. On sait qu'il peu atteindre 17,8
cm, mais on ignore tout sur sa vitesse de croissance. De plus, on ne possède
aucune information sur son régime alimentaire, mais on présume qu'il se
nourrit de petits invertébrés. Quant à ses prédateurs on en a retrouvé
quelques spécimens dans l'estomac des morues, des aiglefins et des flétans,
mais c'est tout ce que l'on possède jusqu'à ce jour à ce sujet.
Même si la description de ce poisson était très détaillée, je ne crois
pas que vous pourriez vous en faire une image exacte. Je vais donc me limiter à
quelques détails. Les deux tiers arrière du corps sont très élancés
ressemblant un peu à une couleuvre. La tête et le corps sont entièrement
couverts de plaques osseuses. La tête est quelque peu aplatie de forme
triangulaire et surmontée de deux arcades sourcilières proéminentes afin de
protéger 2 yeux relativement grands. Le museau formant la pointe du triangle
est aussi surmonté de deux petites cornes acérées. Sa coloration est tout ce
qu'il y a de plus banal: dessus brun foncé, dessous plus pâle, quatre ou cinq
bandes transversales foncées entre la nageoire dorsale et la caudale. Ce serait
un des peu nombreux poissons à posséder un dimorphisme sexuel assez apparent;
le mâle est pourvu de nageoires pelviennes beaucoup plus longues que celles de
la femelle.
L'aspidiphore (autre nom vulgaire), est un poisson qui fréquenterait des
fonds boueux ou sablonneux entre 18 et 332 m. On aurait trouvé
occasionnellement des larves et des spécimens dans les parties profondes du
Golfe du St-Laurent, dans la région de Trois-Pistoles ainsi que des larves de
moins de 3 cm près du Cap Gaspé.
Si vous vous posez des questions sur leur vie de couple, alors là c'est le
mystère complet. En 1942 une femelle contenant 600 oeufs a été capturée et
on aurait trouvé des larves dans la Baie Passamaquody (Nouveau-Brunswick) entre
avril et juin (1922) (ref. W.B. Scott et M.G. Scott).
Le spécimen de la photo (13 cm) a été capturé dans les filets des
pêcheurs de crevettes au printemps '90. Il resterait à savoir dans quelle
partie du Golfe du St-Laurent ils auraient dragué à ce moment. De plus,
plusieurs petits sébastes (de 7 à 8 cm de long) se trouvaient en compagnie du
poisson-alligator.
Deux autres poissons lui ressembleraient de très près: l'agone atlantique (Agonus
decagonus) qui lui, aurait deux nageoires dorsales et le poisson-alligator
arctique (Aspidophoroides olriki) qui ne mesurerait pas plus de 8 cm.
Voilà pour ce poisson. Contentez-vous de vous l'imaginer mentalement, et ne
plongez pas dans le but de le rencontrer, vous serez déçu.
Vivre au bord de la mer réserve de grandes et petites surprises: le
poisson-alligator atlantique est une grande "petite surprise". Il
est très rarement observé et les biologistes se l'arrachent. Notre
spécimen sera confié a l'Institut Maurice Lamontagne de Ste-Flavie.