Terrassier: ouvrier employé à l'action de terrassement.
Terrassement: action de creuser et de transporter des terres.
Réf.: Le Petit Larousse.
Ne cherchez pas la raison pour laquelle on a baptisé ainsi ce poisson. Son
mode de vie consiste exactement à creuser des réseaux de tunnels, puis d'y
attendre qu'une proie alléchante se présente devant l'une ou l'autre des
nombreuses entrées.
On ne connaît pas grand chose des moeurs de ce poisson. Je fus même
surprise de le voir pour la première fois dans la Baie de Gaspé. De plus, je
ne sus pas tout de suite a quelle famille l'associer. Son corps anguilliforme de
près d'un mètre, à la peau lisse et nue, de couleur brun-rougeâtre, marqué
de trois rangées inégales de points sombres allant de la tête à la queue,
ont dirigé mes recherches du côté des murènes et des congres. Par contre,
lorsque je m'attardais à l'apparence de la tête mes recherches se dirigeaient
du côté des crapauds de mer (famille des Cottidés) ou des loups de
l'Atlantique (Anarbichar lupus).
Ce spécimen est pourvu de mâchoires solides. Elles sont armées de dents
coniques qui lui permettent de broyer aussi bien des oursins ou de mordre à
belles dents dans une plie. En fait tout lui semble comestible dès que ça
possède une odeur de chair fraîche! Celui que j'avais repéré voulait
probablement s'attaquer aux éperlans (Osmerus mordax) capturés dans un
filet de pêche ou encore aux crabes qui les convoitaient également. En fin de
compte deux menus du jour se présentaient à lui. Malheureusement, il est
resté sur son appétit puisque son élan a été stoppé par ce même filet où
il s'était emmêlé. Une fois libéré par des mains secourables, sa
nonchalance m'a permis de l'examiner et de le photographier à loisir.
La forme de sa tête ressemble à une blennie. Cette espèce plus petite
creuse des tunnels également. Les caractéristiques communes sont la position
presque verticale de la bouche et la mâchoire inférieure débordante.
J'imagine le terrassier qui en l'ouvrant à la pleine grandeur peut s'en servir
un peu à la manière d'une niveleuse (Bulldozer en québécois) pour creuser
son abri. Le dessus plat de sa tête est "orné" de deux petits yeux
(il fallait bien les mettre quelque part). Ils semblent fixer constamment la
surface dans l'espoir de voir tomber une proie bien fraîche. Enfin pour
compléter le tout, quelques proéminences se dressent sur le dessus de cette
tête fortement tachetée. Lorsque ce poisson est effrayé, il essaie de faire
croire à son ennemi qu'il est très gros en écartant ses opercules, ce qui
élargit sa tête de quelques centimètres.
La nageoire dorsale à fortes épines cachées sous la peau, commence au
milieu des pectorales et s'étend sur toute la longueur du dos. Elle est
continue avec la caudale plutôt petite, ovale et pointue.
Après avoir mémorisé tous ces détails, je me suis mise en devoir
d'identifier ce spécimen assez spécial. Les pêcheurs gaspésiens m'ont
affirmé l'avoir déjà capturé dans leurs filets ajoutant que parfois il
était de couleur blanche (albinos); ils surnomment de tels spécimens: le
"poisson fantôme".
Finalement, c'est toujours ce M. Claude Melançon (1) qui m'a
rendu service. Dans son livre (un des rares sur le sujet d'ailleurs), il est
mentionné que cette espèce irait frayer dans la Baie de Gaspé tard à l'hiver
ou tôt au printemps. Quant à l'Office des Recherches sur les Pêcheries du
Canada (2), il mentionne que ce petits alevins ont été
découverts au début du printemps, mais qu'on ignore tout sur le déroulement
de la fraie. Il fréquenterait les fonds mous allant de quelques mètres de
profondeur jusqu'à une centaine de mètres où il resterait enfoui dans la
vase. Voilà donc une des raisons pourquoi il est si difficile à observer.
Il semblerait que ce poisson un peu mystérieux de la famille des STICHAEIDAE
(hum!) reste à découvrir sur bien des aspects. Alors si vous êtes parmi les
chanceux qui le rencontreront, essayez de noter quelques détails
supplémentaires qui pourraient un jour aider les spécialistes intéressés à
étudier ce fameux poisson fantôme.