Une équipe d'experts plongeurs et de scientifiques a pris
part, la semaine dernière, à la plus Importante expédition de recherche
continue sur les requins au Canada.
Après
avoir été les premiers à plonger avec des requins pélagiques au Canada
l'an dernier, les fonds du majestueux Fjord du Saguenay étaient le point de
mire des membres de l'équipe Aqualog, du 9 au 13 février derniers.
En effet, la Société Aqualog de Drummondville, en collaboration avec le
Musée du Fjord, le Parc du Saguenay le Parc marin du Saguenay-Saint-Laurent,
l'institut de recherche sur les requins du Canada, l'Institut maritime du Québec
et le Cégep de Drummondville, a mené une deuxième expédition afin d'étudier
et de sensibiliser la population du Québec à l'existence du requin du
Groenland. À cet effet, une équipe internationale de plongeurs chevronnés a
exploré les profondeurs du fjord pour tenter de filmer et de photographier ce
mystérieux requin. C'était la deuxième fois que des plongeurs munis d'un équipement
hautement sophistiqué et protégés par une cage anti-requins conçue par
Aqualog et fabriquée au Centre de formation professionnelle Paul-Rousseau ont
cherché ce poisson rare au Saguenay. L'expédition, baptisée Opération
Skalugsuak, a eu lieu à la baie Éternité.
Pourquoi une telle expédition ?
En plus de sensibiliser la population, l'un des objectifs de l'Opération
Skalugsuak est d'obtenir des images sous-marines du requin du Groenland.
L'équipe de chercheurs veut aussi prélever des échantillons de sang et de
gras afin d'étudier son ADN ainsi que les éléments toxiques présents dans
son organisme. Ainsi, ils pourront déterminer si les requins du fjord sont
apparentés à des spécimens déjà étudiés dans le détroit de Cumberland
ou s'ils sont une population endémique au Saguenay.
Comme le souligne le chef de l'expédition, Jeffrey Gallant, président de
la Société Aqualog et professeur au Cégep de Drummondville, "sans l'équipement
sophistiqué et l'application de procédures de sécurité très strictes,
nous ne pourrions envisager une telle opération. Par exemple, la cage
anti-requins spécialement conçue par Aqualog et le Centre de formation
professionnelle Paul-Rousseau est évidemment requise lorsqu'on sait que le
plus gros spécimen pris dans la région mesurait six mètres et que des
chercheurs ont vu de ces requins jaillir de l'eau pour mordre des caribous à
la tête et ensuite les entraîner à l'eau pour les dévorer. Aussi, le
scaphandre semi-fermé Dräger Dolphin réduit au minimum le nombre de bulles
produites par un plongeur qui expire. Ainsi, cela permet d'observer de plus près
les requins qui sont parfois effrayés par le bruit de banales bulles.
Si
la mission est inusitée, la composition de l'équipe de plus de 20 personnes
l'est tout autant. Non moins de cinq Drummondvillois ont pris part à l'expédition,
tant au niveau des opérations de plongée et de recherche qu'à
l'organisation qui s'est préparée plusieurs mois d'avance. Yan Labrie, présentement
étudiant à l'Institut maritime du Québec, était plongeur et chef de camp.
Nancy Faucher a agi à titre de biologiste à la recherche de statistiques et
d'anecdotes auprès des pêcheurs sur la glace. Davy Gallant a effectué des
tests acoustiques sous l'eau afin d'attirer des requins vers le site de plongée.
Autre membre de l'équipe et un Drummondvillois fort connu du monde des
affaires, François Bourret a agi à titre de coordonnateur adjoint de la
campagne de financement totalisant des investissements dépassant 75 000$, en
plus de supporter l'expédition directement avec une importante contribution
matérielle et financière de Bourret Transport. La compagnie Kimpex a
collaboré au niveau des accessoires de sécurité pour le transport en
motoneige et l'abattoir Saint-Germain a fourni le sang requis pour le poste
pour appâter et les lignes de pêche.
L'équipe de 2002 était complétée par un groupe de plongeurs et de
scientifiques provenant du Canada, des États-Unis et de l'Australie, dont
Rick Martin, directeur national de l'Institut de recherche sur les requins,
John Batt, biologiste à l'université Dalhousie, Aaron Fisk, chercheur à
l'Institut national de recherche sur les eaux, et de Aaron MacNeil de
l'université de Georgie. Tout ce monde a travaillé sous l'oeil vigilant de
Jeffrey Gallant, qui est aussi directeur à l'Institut de recherche sur les
requins.
Si aucun requin n'a été péché depuis au moins cinq ans et qu'aucun n'a
encore été observé en 2001 ou en 2062, Jeffrey Gallant est confiant qu'ils
en verront un jour moyennant un peu de chance et de nouvelles techniques.
Gallant a innové la semaine dernière en étant le premier à utiliser un
haut-parleur sous-marin afin d'agrandir le rayon d'efficacité du poste d'appâtage
avec une dimension sonore. Il faut dire que ce n'est que la sixième expédition
de ce genre au monde et qu'une seule a connu un peu de succès en 1996. Autre
facteur, le climat a été très néfaste la semaine dernière avec des températures
descendant jusqu'à -50°C avec le facteur vent. D'ailleurs, ce vent glacial
atteignant des pointes de 80 km/h faisait geler l'équipement de plongée et a
empêché les plongeurs de descendre sous la glace lors des deux dernières
journées.
Gallant
explique aussi que les conditions dans lesquelles plongent les membres de son
équipe sont particulières et présentent des risques importants. "La
température de l'eau se situait aux alentours de 0°C", indique-t-il.
"À plus de cinq mètres de profondeur, les plongeurs se retrouvaient
dans l'obscurité totale. À cause de la stratification des eaux du Saguenay,
nous devions descendre à environ douze mètres de profondeur pour rejoindre
l'eau salée et un milieu marin. Aussi, les marées et la rivière
produisaient un courant très fort sous la glace, ce qui limitait les plongées
à de très courtes périodes entre les mouvements d'eau." Afin de
retrouver l'unique trou dans la glace, les plongeurs équipés de lampes étaient
reliés à la surface par une série de câbles et étaient équipés d'un
système de communications sous-marin, de sonars, et d'une caméra vidéo.
Soulignons que les plongeurs de l'équipe provenaient du domaine de la science
et de la plongée technique et qu'ils étaient habitués à des expéditions
sous-marines de haut niveau. La plongée sous-marine dans le Saguenay est
normalement proscrite.
À la lumière des travaux de recherche et des images tournées lors de
l'expédition 2002, la Société Aqualog produira, avec l'aide du Cégep de
Drummondville, un documentaire sur l'Opération Skalugsuak, sur le
requin du Groenland et sur la faune sous-marine unique et diversifiée du
fjord du Saguenay. D'ailleurs, la rivière Saguenay compte bien plus de
poissons (55 espèces ) que le laissait entendre un article dans L'Express du
3 février traitant de la rivière Saint-François. Le vidéo et les résultats
de l'expédition seront présentés au grand public lors d'une conférence au
Cégep de Drummondville et lors d'une activité spéciale à l'école primaire
du Collège Saint-Bernard en mars. Le Musée du Fjord et la Société Aqualog
préparent aussi une exposition itinérante sur les requins du Canada qui fera
le tour du pays en 2003, de quoi mettre à jour les découvertes de ces
Drummondvillois fort passionnés par la mer et l'exploration. Enfin, Jeffrey
Gallant, qui fut le premier à se prononcer publiquement contre le projet de
barrage aux rapides Spicer à l'automne, prépare un documentaire inédit sur
la faune et la flore sous-marines de la rivière Saint-François qui en
surprendront plusieurs. De plus amples détails sur ce projet local de la Société
Aqualog seront annoncés d'ici juin.
Le détail de l'expédition, y compris des rapports quotidiens et une
galerie d'images, sont affichés sur le site web de Aqualog Magazine.