À
la recherche de requins du Groenland
dans les eaux de Baie-Comeau

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Steeve Paradis
Journal Le Soleil, vendredi 6 juin 2003
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COLLABORATION SPÉCIALE
BAIE-COMEAU ---- La région de
Baie-Comeau ne peut rivaliser avec les Caraïbes en ce qui a trait à la
météo,
mais ça ne l’empêche pas d'héberger des requins dans ses eaux. Une équipe
de chercheurs se trouve à Baie-Comeau jusqu'à demain pour réaliser une
grande première mondiale : l'observation de requins du Groenland
dans leur état naturel. Ce fait est rarissime.
Des
plongeurs scientifiques de l'institut de recherche sur les requins, de
l'Université Dalhousie et de la société Aqualog, alertés puis guidés
par des plongeurs baie-comois, ont ainsi pu observer ce requin, l'un des
plus gros au monde avec ses huit mètres de longueur et le seul vivant à
l'année dans les eaux arctiques.
Cette semaine, l’équipe a pu voir au
moins quatre de ces squales, mesurant entre trois et quatre mètres.
Auparavant, moins d'une dizaine d'humains de par le monde avaient pu
observer ce requin sous l'eau. Depuis des années, l'équipe de chercheurs
traquait pourtant le requin du Groenland, du fjord du Saguenay à l'île
de Baffin en passant par l’île de Sable, sans jamais l’avoir vu.
Selon l'équipe, les observations
nord-côtières sont historiques à de nombreux titres. D'abord, jamais ce
requin n'avait été filmé vivant au Québec ou ailleurs dans le golfe du
Saint-Laurent. Ce sont aussi les observations en plongée les plus au sud,
depuis celles d'une équipe américaine en 1996 dans l'Arctique canadien.
Autre première, les chercheurs ont pu
observer plus d'un requin en même temps, lors d'une même plongée.
Finalement, les rencontres nord-côtières
entre l'homme et la bête sont les premières à être réalisé sans
appât,
dans un cadre naturel. Les précédentes observations dans l’Arctique étalent
le résultat de pêche ou d’appâtage.
Parce que ce requin nage habituellement
à des profondeurs inatteignables en plongée sous-marine, les chercheurs
et leurs hôtes baie-comois souhaitent que ces observations mènent à de
meilleures compréhension et conservation de cet espèce et des requins en
général.
C’est pour ces raisons qu'ils
travailleront à un code d’éthique et un protocole d’observation afin
de mieux protéger ce requin et pour également accumuler le plus
d’informations possibles sur son passage dans les eaux nord-côtières.
On peut bien se demander en effet ce que font des requins dans la région.

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Des chercheurs nagent avec
le requin du Groenland
Steeve Paradis et Carl Thériault
Journal Le Soleil, samedi 7 juin 2003
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COLLABORATION SPÉCIALE
JEFFREY GALLANT
BAIE-COMEAU --- «Je ne m'attendais
vraiment pas à une expérience de ce genre. On peut dire aujourd'hui
que je suis un homme comblé.»
Jeffrey
Gallant n'a rien du scientifique impassible et sans émotion quand il
raconte sa première rencontre avec les requins du Groenland cette
semaine, dans la région de Baie-Comeau. Il traquait, sans succès; le
squale depuis plusieurs années. C'est finalement des plongeurs de
Baie-Comeau qui lui ont donné la chance de vivre l’expérience de sa
vie.
«Un plongeur local, Sylvain Sirois, avait vu un requin il y a deux
semaines, et il a raconté cette aventure dans un site Internet de
discussion entre plongeurs, a déclaré le directeur de l'Institut de
recherche sur les requins. Je suis entré en contact avec lui mais sur
le coup, je me disais que ce n'était pas la peine de me rendre à
Baie-Comeau parce que c'était probablement une rencontre fortuite qui
ne se reproduirait pas.
«Mais quelques jours plus tard, un autre plongeur de Baie-Comeau,
Alain Simard, affirmait avoir vu trois requins dans le même secteur.
J'ai alors contacté mon collègue Chris Harvey Clark, de l'Université
Dalhousie, et on s'est dépêchés de se rendre à Baie-Comeau. On n'a
pas été déçus.»
Les chercheurs, qui refusent de dévoiler le site exact où ils ont
plongé afin d'éviter une cohue et de protéger les bêtes, ont vu des
requins dès leur première plongée. «Je peux dire qu'il s'agit du
point culminant de ma carrière, je n'avais jamais vu ça, a poursuivi
M. Gallant, qui collabore également au Parc aquarium du Québec. On a
tourné 45 minutes vidéo à couper le souffle.»
Le plongeur ignore pour l'instant ce qui a pu amener les requins dans
le secteur. «Ils sont peut-être là pour s'accoupler (il y avait une
femelle dans le groupe de quatre) ou pour suivre leur nourriture, composée
de buccins et de lançons, en abondance dans le secteur. On va sûrement
revenir à la même date l'an prochain. pour vérifier si leur passage
est accidentel».
Les requins du Groenland sont aussi des prédateurs du phoque. Ils
n'en seraient pas à leur premier séjour dans les eaux froides de
l'estuaire et du golfe du Saint-Laurent. À l’occasion,
des pêcheurs en auraient retrouvé dans leurs filets. « Dans le
secteur de l'Île-de-Sable, au large de Halifax, on soupçonne le requin
du Groenland d'être responsable de la diminution du phoque commun. Ce
doit être très rare qu'il se rende aussi loin»; rappelle Mike Hamel,
responsable de la recherche sur les phoques à l'Institut
Maurice-Lamontagne de Mont-Joli.
Peu de recherches existent sur cette espèce
arctique. En Europe, des
prélèvements effectués sur le plus gros poisson de l'Atlantique Nord
ont même révélé la présence de morceaux de chevaux et d'un renne
tout entier dans son estomac.
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Pour
en savoir plus sur cette découverte,
consultez le site Internet suivant :
Voir aussi :
À la recherche du Requin des Glaces
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